samedi, juin 17, 2006

LA RÉVOLUTION CULTURELLE DE STEPHEN HARPER

La situation actuelle est inusitée et mérite que l'on s'y attarde. Jamais le Québec n'a expérimenté pareil mode de transformation. Ses effets sont insoupçonnés et risquent de créer les conditions d'une nécessaire adaptation du Québec aux réalités du XXIe siècle.

Pour la première fois de son histoire, le Québec se voit transformé par un homme d'État extérieur à sa culture politique. Voilà une donne importante qui conditionne et nuance remarquablement son approche et sa vision du Québec. Contrairement à ces prédécesseurs des 40 dernières années (presque tous Québécois), la question pour Stephen Harper n'est plus comment affronter ou accommoder la Belle Province, mais bien comment la rendre capable d'affronter le défi canadien et de pérenniser son existence au sein du continent nord-américain. Même une fois l'effet de surprise estompé, la relation entre Stephen Harper et le Québec est encore incomprise de plusieurs. Elle est cependant en voie de devenir l'axe de relance d'un pays et d'une province en mal de changements profonds.

S'inscrivant dans une logique nécessairement politique, Stephen Harper plaît par sa maîtrise de la langue du Québec, par ses mentions répétitives de sa riche culture et par une réponse calibrée aux demandes traditionnelles des nationalistes québécois. Mais il y a plus, beaucoup plus, à l'approche méthodique du nouveau Premier ministre du Canada à l'égard du Québec. Si les astres continuent de converger en sa direction, Stephen Harper risque de redéfinir le Québec dans son rapport à la politique et, par ricochet, à son identité nationale.

Pour bien saisir ce changement, trois variables doivent être considérées. La première est celle de la troisième voie, celle d'un fédéralisme flexible et ouvert, qui a fait voler en éclats le clivage traditionnel (hypercentralisation vs séparation) sur lequel s'était fondée la politique québécoise depuis les années 1960. La seconde a trait à la création d'une aile fédéraliste (non basée sur les organisations politiques provinciales) qui inclut systématiquement les nationalistes du Québec, tant dans leurs demandes que dans leurs aspirations. La dernière vise directement le destin du Québec : Harper fait progressivement réaliser aux Québécois que l'avenir de leur communauté politique ne doit pas qu'être provincial ou national, mais bien continental s'ils désirent survivre et s'imposer dans un monde en transformation perpétuelle. En d'autres mots, il ambitionne d'accélérer la continentalisation de l'identité québécoise et de l'ancrer fermement dans l'interdépendance que nécessite le bon fonctionnement des blocs régionaux.

Ce projet, ambitieux il est vrai, est celui qui épouse le mieux les aspirations du Québec et qui répond le plus adéquatement à l'impératif de sa survivance dans l'ère des Empires du XXIe siècle.