L'AXE DU CHANGEMENT : ALBERTA & QUÉBEC
L'axe Alberta-Québec, véritable pivot d'un changement profond dans le fonctionnement de la fédération canadienne, semble se concrétiser. Charest entrevoit toutes ses possibilités, Dumont en parle abondamment, la moitié de l'Ontario (i.e. Toronto) de McGuinty l'apprend à ses dépens et Boisclair tremble à sa seule perspective.
Le commentaire, publié dans le Droit en juillet 2004, donne la juste mesure de ce qui se matérialise depuis l'élection fédérale du 23 janvier dernier.
J'avais vu juste sur tout, sauf sur l'erreur stratégique de Gilles Duceppe de demeurer sur la Colline parlementaire.
L'Alberta et le Québec, malgré toutes les apparances trompeuses et les clichés galvaudés, possèdent des intérêts similaires et partagent une distinction nettement pionnière quant au Canada du futur.
L'axe Alberta-Québec, celle qui rend possible la troisième voie et qui sculpte le Canada de demain.
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Le conservatisme made in Quebec
Frédérik Boisvert
(Publié dans le Droit - 2004)
Les deux plus grandes conclusions de la dernière élection fédérale (juin 2004) sont sans contredit le rappel de la toute-puissance de la machine libérale et de l’impossibilité d’une majorité conservatrice sans l’appui de la province du Québec.
Le plus dominant des démocraties occidentales, le Parti libéral a gouverné le Canada durant plus des deux tiers du XXe siècle et rien n’indique, à l’heure actuelle, qu’il n’en fasse pas de même au cours de ce siècle. Sa versatilité idéologique lui permet l’occupation quasi sans partage du centre de l’échiquier politique canadien. De centre-gauche à centre-droit au gré des saisons, il est en mutation permanente, se transformant continuellement en fonction des vagues de fond périodiques. Or, l’ultime sanction populaire semble indiquer que l’unique endroit où le Parti libéral peut espérer accroître ses appuis est dans la Belle Province, l’Ouest se consolidant en faveur des conservateurs ; l’Ontario retrouvant graduellement sa balance naturelle entre les deux grands partis et les Maritimes conférant aux libéraux – le temps d’une élection – un support nettement au-dessus du plateau historique.
Le succès du Parti conservateur, depuis le début de la Confédération jusqu’à nos jours, a toujours reposé sur le compromis Macdonald-Cartier (Ontario-Québec), lequel acquiesçait à un certain nombre de demandes des deux grands pôles de la politique canadienne. L’ère post-Mulroney représente en quelque sorte la scission de cette alliance naturelle entre les deux provinces voisines, la montée en puissance de l’Ouest n’étant pas étrangère à ce déplacement certain des plaques tectoniques de la politique canadienne. L’incertitude règne quant aux promoteurs du nouveau pacte conservateur en devenir, mais on peut néanmoins identifier quels seront les nouveaux pôles de la nouvelle alliance en devenir : le Québec et l’Alberta, cette dernière étant le leader naturel de l’ouest du pays. Ces deux provinces ont été, depuis ces dernières années, les portavoce les plus bruyants pour une décentralisation marquée de la fédération canadienne (principe de subsidiarité, etc.). Un réalignement du paysage politique en faveur de ce nouveau compromis, résultat de la nécessaire dilution des revendications respectives, marquera à la fois l’endiguement du Parti libéral au Québec, la cristallisation de la vague conservatrice dans l’Ouest, la légitimité retrouvée des conservateurs dans les maritimes et l’accélération de la récolte anticipée en Ontario.
Fidèle au culte de la personnalité qu’il entretient depuis sa fondation, le Parti Québécois sera vraisemblablement présidé par Gilles Duceppe d’ici la prochaine élection provinciale. De plus, les circonstances exceptionnelles de l’élection de 2004 ne pouvant se répéter, le Bloc québécois sera au mieux, condamné à un plafonnement insoutenable et au pire, à sa disparition incrémentielle (le Bloc populaire et le Ralliement créditiste ayant déjà pavé la voie).
Depuis 1867, la population du Québec a toujours voté en bloc, supporté le parti gagnant, sanctionné l’enfant chérie (Laurier, St-Laurent, Trudeau, Bouchard & Duceppe) et n’a soutenu un tiers parti que pour signifier son mécontentement. L’expression d’une différence n’est pas synonyme d’isolement et c’est pourquoi le prochain scrutin fédéral pourrait bien être la mère de toutes les élections du XXIe siècle.